Vogue

en général , je rentrais le matin en métro , sans réveiller Marianna qui dormait et se réveillait , de toutes façons,  toujours peu après mon arrivée .

Elle traînait dans l'apart , jusqu'à mon réveil , vers treize heures en préparant la bouffe et en faisant mille choses différentes qui m'échappaient totalement et dont je ne me rappelle plus.

Elle vivait mal sa fin de carrière de vedette du Top 50.

On la reconnaissait moins dans la rue , puis plus du tout.

Des fois , des gens l'arrêtait pour lui demander:

-" Ben  alors, ça fait un bout de temps qu'on vous a pas vu à la télé"

Et elle de dire qu'elle préparait un truc , que bientôt S>, qu'elle faisait des démos .

Bref, quelque chose.

Mais rien ne se faisait.

Les derniers sous de "DE luxe " avaient été investis dans le rachat de l'apart ou nous étions maintenant.

C'était un grand appartement et le loyer était dérisoire.

Il était encore sous la loi de 38 et nous avions racheté le droit au bail avec nos derniers galas.

Il y avait une cheminée et tout le confort, même si le bâtiment était tres vieux . Il nous permettait de voir les salles de bain d'une auberge de jeunesse ou les touristes du monde entier croyaient être tranquilles derrière des vitres dépolies.

La rue était tranquille et les locataires des autres étages partis vers dix neuf heures , comme dans tous les bureaux.

J'avais aussi acheté un peu de matos du temps du vedettariat et , du coup , je pouvais faire des maquettes assez abouties.

Je composai les musiques et les paroles et Marianna plaçait sa voix du mieux possible . Elle essaya de faire des chansons pour partir en solo mais le résultat ne fut pas concluant et je ne crois pas avoir essayé de démarcher quoique ce soit.

Je commençais à prendre du plaisir à travailler pour les autres.

Je fis même des maquettes avec Armande Altaï mais le caractère difficile de la Diva me cassa rapidement les couilles et le projet cessa vite.

Des fois je rentrai démoralisé du BH et m'asseyait une demie heure dans l'entrée de chez nous avant d'aller me coucher.

La vue des soirées dans la boite devenait difficile.

Ma vie avec Marianna devenait difficile.

Je travaillais, elle necomprenais cela.

Du moins , je m'efforçais de comprendre le fait que son statut de vedette lui avait mis un coup au moral quand il était parti aussi vite qu'il était venu.

Je ramenai largement assez pour nous faire vivre , vu le loyer , et cela semblait convenir à Marianna qui croyait toujours dans un éventuel retour. Il fut tenté de monter un groupe pour faire de la scène mais tous les mecs que nous avions rencontré croyaient dur comme du fer que nous étions richissimes et que nous allions grassement les payer.

Je m'étais pris au jeu d'écrire des chansons pour les autres et mon temps libre fut consacré à cela.

Je réussissais à fourguer une merde à Carrère qui me donna 50 000 FF d'avance pour mettre les meilleurs moments du Classique en Dance.

Ils m'avaient demandé de mettre un pantin pour assurer la promo et je piochai dans les connaissances de Paquerette pour le Casting.

Joy , qui est vendeur de fringues aux Halles maintenant , se vit nommé officiellement chanteur grâce aux deux phrases qu'il disait dans le disque et on lui proposa d'être "vedette" d'un soir et plus si affinités avec le public à la Loco pendant une soirée ou Laurent Garnier officiait.

Ce dernier fut atterré par la prestation et il eut bien raison.

Le "show" fut pathétique , le lipsync complètement foiré et le disque fut totalement ignoré par les DJ des clubs auxquels Carrère fit quand même un envoi. L'avance, elle,  tombait à pic.

Cela me réconforta dans l'idée que je pouvais faire autre chose que du " De luxe" et je me mis à écrire et réaliser en studio pour tout le monde.

Des merdes alimentaires mais aussi des chansons plus sympas qui me permettaient d'acheter du matos , le BH assurant le quotidien.

Je bossais de plus en plus au Palais des congrès qui avait fait la Co prod des "Yeux" qui était leur seule et unique prod qui avait fonctionné.

Cela me donnait un crédit illimité en heures de studio car nous partagions les différentes avances des disques, une fois signés.

Je fis des maquettes en 64 pistes numérique , appris à me servir d'une console SSL (celle qu'on voit partout dans les studios) et devint un bon mixeur car j'avais toujours demandé plein d'explications à Blanc Francard lorsqu'il mixait nos disques et pouvait enfin les appliquer.

Au fur et à mesure que le temps passait , les habitués du BH ou je continuais de travailler se firent de plus en plus rares et petit à petit la capote (alors préconisée par le président d'ACT UP)s'imposa mais il était trop tard pour la plupart.

La clientèle s'amenuisait , le Scorp avec ses spectacles marchait de mieux en mieux et l'image Trash de la boite ne correspondait vraiment plus aux envies de la communauté.

Le coupable fut trouvé : c'était moi , le Dj.

Viré, il me fallu t donc trouver un autre boulot.

Elie, qui m'avait placé là me trouva un autre plan qui était de l'or en Barre :

Dj le WE dans une boite de banlieue à Montfermeil.

Je ne connaissais pas la Banlieue , ignorait le nom de Montfermeil et ne voyait qu'un truc: j'étais payé le meme prix mais pour deux jours dans la semaine .

Le patron du BH me rappela deux fois à six mois d'intervalle pour me demander de revenir mais c'était impossible de revenir maintenant que j'étais dans une petite boite hétéro et que

j'avais ma semaine de libre pour aller en studio

Je fis pas mal de séances de pub ,des réalisations pour des artistes dont certains devinrent connus et tout cela en bossant en parallèle.

Inutile de dire que mes relations avec Marianna devenaient délétères. Sa situation ne changeait pas trop puisqu'elle ne travaillait pas et il fut décidé de déménager , encore une fois , les proprios ayant réussi à casser le Bail et à le transformer en Bail classique et voulaient aligner leur loyers sur le marché.

C'était l'avant dernier appartement que nous allions partager mais nous ne le savions pas. C'était un appart pas mal mais assez bizarre constitué de deux tres grandes pièces et d'un couloir qui servait de cuisine. Situé à l'entresol , il était placé au feu pres du Rex , si bien que les voitures s'arrettaient toutes à notre fenetre , jour et nuit.

La déco ne fut jamais faite et pour causeS>

Je produisai artistiquement l'album qui devait révolutionner le monde de la musique électronique : l'album d'euphoria.

Si ce nom ne vous dit rien , c'est normal , car l'album n'est jamais allé jusqu'au bout.

Le groupe était composé de deux des plus grands journalistes de la presse rock du moment: Laurence Romance et Nick Kent.

Laurence était une fille du Nord , pas très grande , sympa, qui bossait comme pigiste à Libé et s'était fait un nom , en temps que Rock critic .Laurence avait toujours des tenues assez exubérantes et soit disant "sexy" .elle portait souvent des résidus de punkitude sur elle comme des bas résilles éfilochés et affichait , des fois au contraire , l'allure d'une bizness woman.

On aurait cru qu'elle faisait défiler devant nous les milles et unes façons d'etre une prétendue femme libérée pour faire plaisir à son "homme". Elle avait déniché, par ailleurs, les bons groupes au bon moment , fait un peu de Hype , comme tous, sur deux trois groupes qui n'avaient rien fait mais elle possédait une véritable plume et était rock. Cependant , à fréquenter la gloire des autres , elle avait décidé qu'elle voulait , elle aussi, sa dose de paillettes .

Elle était acoquinée avec un être étrange.

Un anglais , encore, un genre de grand échalas lui aussi qui habitait en France depuis 5 ans mais ne parlait pas encore le vraiment le français . Il tentait de le baragouiner en roulant des yeux et en faisant tourner d'une façon circulaire sa main autour de son poignet fixe pendant qu'il parlait .je me suis toujours demandé si c'était un tic ou si cela était supposé aider les malheureux français à mieux comprendre le grand homme.

Quand il ne faisait pas semblant de vouloir parler le français , c'était le plus charmant des hommes.

C'était un genre d'ancien Dandy que la dope et l'alcool avait un peu ruiné mais il était plaisant et surtout fourmillait d'histoires de show biz.

Même Adam ant dans "press darlings" dit que "Nick kent is the best dressed man in town". Et pour moi rencontrer un mec dont Adam ant parle dans une de ces chansons , cela me faisait rigoler  car j'aimais bien la tendance Pirate qui avait suivie le Punk. C'est un peu comme quand j'ai rencontré et serré la main des mecs de Kiss ou celle d'Alice Cooper, je me suis toujours dit que pour un pauvre mec de Brest , c'était déjà pas mal.

Alors là , bosser avec un type comme ça , c'était plutôt flatteur. En plus, je sortais de la réalisation avec Dee Nasty de l'album des "Timides et sans complexes", un groupe de Rap Hardcore qui m'avait épuisé , tant la vie en posse est dure pour un petit bourgeois de province.

Alors là , c'étaient les vacances.

Les séances commencèrent , souvent de nuit et nous nous plongeâmes rapidement dans une torpeur quasi quotidienne.

Rendez vous était fixé ,tous les deux jours environ pour tout d'abord remplir les séquenceurs chez Marianna et moi.

Nous prenions des boucles dans un disque et la tartinions des expérimentations enfumées de Nick.

Il fumait beaucoup de Chichon et se faisait approvisionner par un des rappeurs qui virevoltaient dans la galaxie des "Timides".

Les scéances commençaient à la maison vers 20 heures pour se finir tard dans la nuit.

Le grand rosbif faisait des gammes et me demandait de sampler une boucle de machin par ci , un riff de truc par là.

Au début , tout cela semblait intéressant car l'idée était de puiser dans le grand livre des souvenirs du fameux rock critique.

Rapidement, la preuve fut faite que les sons choisis étaient plutôt décalés et que cela ne fonctionnait pas super.

Les dernières nouveautés bizarroïdes de labels obscurs furent amenées et le pillage organisé.

Une boucle d'un standard underground devenait, mélangée aux autres séquences des productions du moment une "soi disant " nouvelle ºuvre décalée.

Le petit système dura six bon mois pendant lesquels les deux venaient à la maison. les garçons faisaient de la musique pendant que les filles devenaient les meilleurs amies du monde .

Tout était parfait.

Sauf que , naturellement, Nick se mit à entreprendre la conquête de Marianna qui n'était pas insensible à ses charmes.

Moi , je bossais le Week-end et le petit trio allait de Raves en raves . Au début, j'étais plutôt content que Marianna sorte avec les membres du groupe.

Car oui, il en était ainsi , désormais.

Le grand musicien avait intégré Marianna dans son Duo et  les filles feraient les voix sur l'ºuvre.

Les enregistrements commencèrent , après la production à la maison et bon an mal an , quelque chose commençait à émerger sur les bandes.

Le problème était  les Voix.

Ni Marianna , Ni Laurence n'étaient des chanteuses et , rapidement, il fut décidé qu'elles parleraient sur la plupart des titres  plutôt que de  se mettre martel en tête à essayer de poser quelque chose de juste sur les bandes.

Les deux étaient aussi attristées , l'une que l'autre et les tensions naissairent des que l'état de grâce fut retombé.

Les Raves devenaient, et j'en ignorait tout , l'occasion pour Marianna et Nick de passer du temps ensemble et rapidement, Marianna rentrait tres tard le Week end puis des fois plus du tout.

Tout était consommé et cela tombait bien car , par le hasard le plus total j'avais eu des nouvelles de Mikaele.

Les mois suivants furent difficiles mais nous sommes restés dans les limites de la décence , du moins  je me plais à le penser, l'un comme l'autre.

Nous n'avons pas eu de mots trop durs l'un pour l'autre et je crois que nous conservons un bon souvenir de l'ensemble.

Le plus "drôle" de l'affaire est qu'au moment de partir pour s'installer avec Nick , Laurence est tombée enceinte , ce qu'elle n'avait jamais réussi à faire pendant tout le temps ou elle avait été avec lui et du coup Marie partit pour s'installer à la campagne pendant un certain temps avec un tennisman. L'album ne sortit jamais , tant sa qualité était douteuse.

Laurence réussi à faire figurer des titres sur une compilation pré French touch et l'affaire cessa là.