Happy House
Les Jours meilleurs étaient pour nous , plus que pour le Chat.
Nous avions des sous , pas mal en tout cas, pour deux Zozos qui chantaient.
A un moment, nous avions tellement de liquide que nous nous étonnions que la France, pays moderne s'il en est , ne fabrique pas de billets de mille francs, bien plus pratique pour faire ses comptes et aller dans les boutiques . Nous retrouvions régulièrement des cagnottes rangées dans un vynil ou dans une boite que nous allions dépenser en futilités sans nom .
Marianna s'acheta un blouson à une brique chez Yunko Shimada .Je m'offris des machines sans pouvoir les brancher car il n'y avait plus le temps. Nous allions manger dans des restos de nuit après les galas et payons en liquide avec notre butin du soir . Plus rien n'avait de vraie valeur .L'argent était facile puisque tout était facile maintenant.
Le teinturier ne voulait plus de mon argent depuis qu'il m'avait vu chez Jacques Martin , la boulangère discutait des heures avec moi et les gens se retournaient dans la rue pour murmurer tres fort :
-"C'est eux , j'te dis que c'est eux"
Certains nous abordaient surexcités
-Bonjour , alors voilà , ma copine elle me dit que vous etes les "De luxe", c'est vrai ? , oh c'est pas possible , oh ben ça c'est incroyable , oh là là S>..
et là tombait le fameux :
-"vous pouvez me donner un autographe ?"
Marianna sortait une des cartes qu'elle avait toujours sur elle et nous donnions la carte en écrivant un petit mot.
C'était une habitude qui me gênait parce qu'après tout nous n'avions fourgué qu'un single et dans le fond c'était peu pour être FAN !
"J'adorai quand un type me disait , j'aime bien le style ,les textes mais j'attend le prochain on verra ce que vous allez faire"
il n'étaient pas nombreux.
C'est ce qui tuait tous les groupes qui avaient éclos
La bataille pour l'album fut rude et je pense que seuls cinq d'entre eux sur la multitude qui s'est présentée ont peut être passé ce cap.
Mais être FAN sur un single me semblait donc incongru.
Moi aussi , j'étais fan.
Mais pas de cette manière, je respectai le travail et je n'aurai fait signer ,au minimum, qu'un disque de la personne et sûrement pas les bouts de papier gras que je signai à tour de bras après les galas des débuts.
(ensuite on avait les cartes , ce qui est pire quand on y réfléchi bienS>).
J'avais réussi à rencontrer au magasin un paquet d'artistes et hormis ceux cités dans ces pages, je ne récoltais pas de l'autographe à tout va.
Je me suis toujours tenu à cette règle et je possède au moins un truc signé par mes Favs , comme l'on doit dire.
Et des Favs, j'en ai.
En soixante dix sept , j'ai découvert trois groupes d'un coup : Beatles, Pink Floyd et les Pistols.
Ca résume assez bien l'affaire en ajoutant que j'ai toujours eu un goût prononcé pour la musique des clubs homos en ce qu'elle a de plus hype et plus proche du rock et de l'électronique.
Des trucs comme White Horse de Laid Back ou Les prods de Bobby O' (Divine, Flirts) que j'ai remixé bien plus tard sont des trucs qui me font vraiment de l'effet.
Mon truc ,après les premières découvertes musicales, c'était le glam .
Pas le glam des esthètes à la Bowie, mon Glam c'était:
Alice Cooper, T-rex ,Roxy Music , les Dolls et tout ce qui en découle.
Je trouvais les Punks cools mais en petit bourgeois de province , il eut été improbable d'être punk et donc , il ne restait plus qu'un truc à faire : être New Wave.
La new wave fut ensuite ,exactement ce qu'il me fallait pour être impeccable pour tout le monde.
Bien habillé (enfin presque) pour mes parents et musicalement sur la bonne longueur d'onde auprès de mes congénères qui n'étaient que Siouxie et consorts.
Je fus Dépeche mode dès le premier single ("New life" chez Vogue) et pratiquait le Bow wow wow couramment . Les Clash et les Damned devinrent mon ordinaire, Bijou , une référence et toute une flopée de singles , de Martha & the muffins et leur "Echo Beach" au "Ghost town" des Specials vinrent meubler mes rayonnages comme autant de livres parcourus et appris par cºur.
Les Ramones et leur Speed déjanté me convenait parfaitement comme leur convenait leur égérie Blondie dont les albums me ravissaient.
A Brest , tout mon blé passait dans les disques.
Mes premiers cachets de job de vacances m'avaient permis de m'acheter le matos :
Un Ms 20 Korg , Une B.A.R de la même marque et un magnéto qui permettait d'enregistrer le tout.
Mais surtout, tout le reste passait dans un magasin de disques qui était devenu mon Dealer.
J'y passai régulièrement et avait un compte avec un bon crédit car je payais toujours mes dettes.
Toutes les nouveautés , déjà , étaient bonnes à prendre.
Ma chambre s'entassait de disques ou j'amenai une cohorte de potes et dans laquelle nous passions des heures à écouter en vrac tous les vynils éparpillés à même le sol.
Et tout d'un coup ,
il y avait des fans en bas de chez moi .
En fait , l'idée c'est que nous avions pris par hasard notre petit gourbi, dans lequel nous étions toujours entre deux télés ou Galas, à deux cents mètres de l'entrée des artistes de la SFP dont les locaux servaient à faire les émissions de télé .
Une fois , après une télé , nous sommes rentrés tranquillement à l'appart et un de ces types qui attendent toute la journée en bas des studios parisiens à la quête d'un autographe de n'importe qui , nous as un peu suivi et a vu que nous habitions tout pres .
Régulièrement , il y avait un de ces mecs qui venait voir notre concierge pour savoir si nous étions là sans jamais rien demander de plus.
C'était toujours les mêmes, à la sortie de RTL , Europe 1 ou de n'importe quel studio de télé , ils étaient là.
Il fallait signer les photos prises , la veille ou l'avant veille ,en compagnie du propriétaire de l'appareil.
Nous étions assez atterrés par ces personnes qui passaient et passent encore (j'en vois de temps en temps avec des nouveaux quand je passe devant un tournage télé) leur journées à attendre des petits zicos comme nous et les autres .
Mais en face de ça , il y avait des avantages.
Outre mon pressing ou mon tailleur, il n'était plus question de payer au resto le soir ou pour aller en boite.
Un coup, le Dj que j'avais connu à Champs disque, interrompit la musique au Palace pour dire que la boite était fière d'avoir le groupe dans ses locaux.
Pour un mec qui avait rêvé toute son adolescence d'aller au 54 , ce petit mot au micro me fit bien plaisir , même si j'ai toujours trouvé ça un brin ringard . Notre seule présence aurait du suffire mais n'est pas Bianca Jagger qui veut.
Mes potes avaient changés.
Il faisaient tous parti du truc.
Des Luna Parker aux Mikados , nous passions notre temps ensemble.
Nous étions invités aux soirées avec nos potes .Armande Altaï, qui était la prof de chant de Daho, nous comptait parmi ses proches.
C'était une femme d'une cinquantaine d'années d'une incroyable beauté.
A sa table on voyait naturellement Higelin mais aussi Jean Babilé dont la verdeur nous sidérait tous. La fille d 'Armande travaillait chez WEA, à l'international, et nous passions de longues soirées à écouter sa mère nous raconter ses histoires.
Elle nous invita même chez un photographe qui avait fait la pochette des luna parker et une de Daho et me fit rencontrer ,sur une péniche, une copine à elle qui s'appelait Suzy Weiss.
Suzy était blonde, habillée de strass en plein été, et avait été la Maîtresse Femme de Bowie à l'époque ou il était avec jagger et avait eu les deux en séance.
Je le savais de longue date car Marianna était raide dingue de Bowie et allait jusqu' à collectionner les pirates vidéos de prestations du maître ,au Japon, en duo avec Amanda Lear qui ne s'appelait pas comme cela encore à l'époque .
Une chanson fut écrite dans les jours suivants car dans le fond, il fallait l'écrire cet album
Les plus décriés de mes potes étaient les "Partenaires Particuliers" qui étaient deux bons gars BCBG qui s'étaient vu propulser vedettes , un peu comme nous . Tout le monde les haïssait et il était de bon ton de les décrier . En fait , sous leurs dehors de petits bourgeois de province, ils étaient de vrais musiciens , plutot doués pour les harmonies et fans des Beatles ,de Kravitz et , naturellement ,de Depeche mode.
Ils en étaient une pale copie mélangée à du Indochine de base mais nous nous sentions assez proches d'eux au niveau des influences et leur passion pour Atari me les avaient rendus tout de suite forts sympathiques.
Ils étaient chez WEA au meme moment que nous et nous prenaient pour des terroristes au sein du label !!!
Les longues attentes avant les plateaux avaient fait le reste .
L'un est devenu un concepteur de pochettes renommé et l'autre à pris la suite de Beau papa dans l'usine de beau Papa. ils avaient habité dans une chambre de bonne, comme nous, mais leur troisième place au top leur avait permis d'acheter un trois pièce , sous les mansardes , place de l'Hotel de ville.
Ils étaient tranquilles, loins du showb et comprirent tres vite que leur image ne leur permettrait jamais de faire autre chose en musique que d'acheter les disques des autres . Comme ils avaient fait des études, ils repartirent au bout de deux albums , dont un ne fut même pas commercialisé , vers un anonymat désiré.