C'est la ouate
C'était plus facile , le groupe dorénavant pourrait se faire de l'argent en écumant les clubs et donc, le label n'avait rien à débourser.
Du coup ,Il fut décidé de faire un remix .
C'était les débuts de cette merveilleuse idée qu'est le remix.
Sous prétexte de passer dans les clubs , il fallait faire un remix car les promos des clubs disaient que "cela s'essoufflait en Club!"
Nous , on s'en foutait un peu , parce que le but du jeu était de faire un album et que la chanson qui passait à ce moment là n'était qu'une parmi tant d'autres , alors S>
On nous proposa un jeune remixeur , qui n'avait encore rien fait mais qui animait une émission club , le soir sur NRJ et on nous promit que la chanson passerait à l'antenne car Dimitri , c'était son nom , avait la liberté sur sa Play list .
Des passages en plus sur les radios, c'était bon à prendre.
Parce qu'à l'époque ,NRJ ou une autre , c'était du pareil au même pour nous.
Nous n'écoutions pas la radio , ne l'avions plus fait depuis Carbone 14 et les émissions déjantées de Super Nana .
Dimitri venait d'avoir par la même occasion , un remix officiel , un Top Cinquante même si le titre y était avant , tout le monde y gagnait quelque chose .
Il a fait le remix d'ouragan pour Stéphanie de Monaco et puis il est devenu , bien après , le fameux Dimitri From Paris !
De toutes façons , les Majors ne juraient que par le "Single" .
Pas question d'enchaîner sur l'enregistrement de l'album tout de suite car le producteur était seul maître à bord et c'est lui qui devait débourser l'argent nécessaire pour enregistrer le reste.
Nous commencions donc à faire la tournée des clubs , qui nous offrait chaque soir le la possibilité de faire nos chansons.
Il n'était pas question des "Live" , pourtant nous ne voulions que cela mais c'était , semble t il hors de propos , le piège était déjà fermé.
Marianna avait été nommée "Diva des Synthés" dans la presse jeune qui ne manquait pas de rassasier un lectorat pour qui le fait d'être ensemble à la ville comme à la scène était un gage de bonne santé morale.
Nous étions l'un de ces petits couples idéaux qui fourmillait dans la sphère fermée des cinquante premiers des ventes.
Il y avait Niagara, qui fit du live au bout de trois albums (on imagine le temps qu'il nous aurait fallut), les Luna Parker qui n'était rien de moins , pour nous que le noyau dur des Tokow boys , et bien d'autres encore car le Duo mixte devint bien vite une condition sine qua non pour vendre.
Nous rencontrions tous ces couples et pleins d'autres groupes , lors de promos FM.
La promo FM était un truc formidable , inventée à moitié par les radios et pour l'autre moitié par les Majors.
Une grande soirée était organisée dans un stade, un Zénith ou une grosse salle dans le genre et toutes les "vedettes" du moment étaient conviées à passer à la queue leu leu afin de faire leur chansonnette devant une foule qui pouvait enfin voir l'artiste qu'on leur avait matraqué à la radio .
Le seul truc était que "l'artiste " avait été fourgué à la radio , à condition que le disque passe au moins à "trois par jour" sur l'antenne.
Le public venait voir des idoles préfabriquées par les médias et les labels
Un groupe arrivait sur scène, on envoyait la bande , le public applaudissait le groupe en attendant le suivant.
Le plus terrible était quand le présentateur local annonçait : " L'affaire Jean Duo " et que c'était la chanson des "Partenaires" qui démarrait.
Cela peut faire sourire mais imaginez la tronche des " L'affaire Jean Duo "
quand on leur envoyait un truc qui n'avait rien à voir , que devant 10 000 personnes il leur fallait hurler sur la bande des "autres"
-"que non ! , c'était pas leur chanson , que S>S>"
Le tout avec le micro fermé car certains ne prenait pas la peine de dire un mot ,ni de chanter quoique ce soit , sachant tres bien que cela ne servait à rien.
Du coup, le type qui s'occupait de la sono oubliait des fois d'ouvrir le son à ceux qui voulaient vraiment chanter.
Le simple fait de passer la chanson qui avait été matraquée était jugé bien suffisant.
L'organisation de ce genre de trucs devint quand même de moins en moins hasardeuse avec l'arrivée du "Tour Ricard" dont les débuts se firent quand même dans un camion de tour de France mais ou passèrent toutes les stars du moment.
Mon truc , quand le titre était fini était de faire taper dans leur mains, les 5000 à 10 000 personnes qui s'étaient rassemblées là et de leur faire chanter pendant une bonne minute , un bout de notre tube dont ils connaissaient les paroles par cºur et ainsi, pouvais me rapprocher de quelque chose qui satisfaisait mon Ego déjà bien mis à mal.
Il faut dire qu'il était difficile de faire autrement.
Les ventes des maisons de disques venaient , pour la première fois de s'effondrer.
Les gros tubes ne faisaient plus des millions de ventes et se contentaient d'un seul.
Il fallait rentabiliser et tout était bon pour le faire.
Perdus dans le tourbillon de la promo , nous ne voyons pas que nous creusions notre tombe.
Un jour pourtant , nous avons demandé aux attachés de presse :
-"Mais , on peut pas avoir une chronique dans Rock'N'Folk ou Best ou un truc dans le genre.
-ça va être difficile , mais on va voir.
Quinze jours après , nous apprenions que l'attachée de presse avait préféré annuler la diffusion de la critique car elle aurait été désastreuse.
Dès lors ,nous étions donc conscients de notre sort des ce moment et avions décidé de profiter de notre "statut".
Même si nous savions avoir de beaux titres en stock, nous savions aussi tres bien que nous ne pourrions pas concourir longtemps dans la série "j'te fais une chanson , j'te fais un tube".
La variété revenait plein pots et nos prochains titres parlaient de 2 eme guerre mondiale , de Lewis Carroll et d'autres sujets qui étaient loin du concept "les yeux de laura".
Nous faisions au moins un gala par semaine voire jusqu'à 4 dans les meilleures semaines de Classement.
Il faut savoir que le cachet de l'artiste variait beaucoup par rapport à sa cote de popularité exprimée par le classement officiel des 50 meilleures ventes en France.
Le Sacro-Saint classement était devenue une référence de prix, un peu comme un Argus.
Tous les mercredis , nous attendions l'arrivée des résultats .
Deux places de gagnées signifiaient un tarif de gala plus élevé des les prochains contrats.
Et des contrats , il y en avait quand même pas mal.
Ce qui faisait aussi monter le montant du contrat, c'étaient les émissions de télé.
Un "Poivre d'Arvor" valait toutes les places au top car, on allait pouvoir offrir au public de n'importe quel club français de vraies vedettes certifiées par le label TV.
Nous avons alors fait toutes les télés possibles et imaginables : cinq fois " c'est encore mieux l'après midi" de Dechavanne, 3 fois Top 50 avec Marc Toesca et son "bonjour les p'tis clous" ,des dizaines de 20 h 30 dont les fameuses émission de Sabatier qui était alors au top de sa popularité et qui à bien du nous en faire vendre 100 000 milles exemplaires en nous invitant.
Le plus drôle , c'est que lui qui a tant été décrié est bien le seul qui soit venu nous dire bonjour avant l'émission , pendant les répets , en nous disant son plaisir de nous recevoir.
C'était totalement pro ,sans aucun doute, mais c'était extrêmement différent d'un Jacques Martin qui découvrait les artistes quand ils arrivaient sur scène en n'ayant aucune idée de ce qu'ils faisaient comme musique.
Il fallut aussi écumer les FR3 régionales .
La plus terrible fut celle de Paris ou nous passions en "vedette" dans une quelconque émission pour qui la présence d'une "variété" était le gage d'un semblant d'audience et de cinq minutes d'antenne pas chères.
Les techniciens trouvèrent bien plus agréable de répéter , encore et encore , la chanson d'une jeune artiste parrainée par un chanteur comique dont la plastique était, il faut le reconnaître , assez avantageuse.
L'artiste exécuta au moins douze fois une savante chorégraphie sur une chanson qui s'appelait "Notre amour sent l'ail" devant les yeux tous ronds d'une équipe stupéfaite ,regardant sur les écrans de contrôle , les contorsions dignes d'une Strip-Teaseuse de talent.
Nous eûmes alors un quart d'heure pour bâcler un enregistrement qui, au moment du contrôle final en régie s'arrêta au moment ou la cloche sonnait midi .
L'heure , plus que le tournage qui était pathétique, fut saluée par un énorme Hourra! de toute l'équipe qui ne nous laissa pas le moindre doute sur les possibilités de refaire une prise.
A midi , quinze secondes , il ne restait plus que l'attaché de presse et nous en régie.
La situation devenait pesante et il arrivait , certains matins que nous sachions plus la ville ou nous étions. Avion , train et voiture étaient devenus notre pain quotidien et l'assurance de pouvoir facilement acheter le notre.
Nous n'avions jamais eu autant d'argent de notre vie , les galas se succédaient et nous n'avions que peu de frais de loyer car nous habitions toujours la même pièce qu'avant, dans laquelle un journal d'ados voulut nous photographier à tout prix pour faire rêver les lecteurs.
Cela aurait été difficile de prendre la moindre photo dans ce foutoir qu'était devenu notre pièce et la séance se passa dans le parc le plus proche malgré l'insistance du journal .
Les fringues étaient sur le lit que nous ouvrions , crevés après un gala en province d'ou nous revenions épuisés la nuit même, pour repartir en promo FM ou pour aller faire le sempiternel Play-Back à la télé.
Le chat avait fuit ce bordel, ou il n'aurait jamais trouvé ses petits s'il avait fallut chercher, en attendant des jours meilleurs.